J'en jure par l'heure de l'après-midi,
L'homme travaille à sa perte.
Tu en excepteras ceux qui croient et pratiquent les bonnes oeuvres, qui recommandent aux autres la vérité et la patience.
Coran, sourate
Ainsi commence le livre récemment publié par Shirin Ebadi, Iranienne et libre, Mon combat pour la justice, récemment publié. Au début des années 1970, elle devient la première femme à être nommée juge en Iran; elle a vingt-trois ans. Quelques mois après la révolution islamique de 1979, on la démet de ses fonctions pour des raisons politiques.
Avocate, elle engage alors un combat quotidien contre le régime, ce qui lui vaut d'être plusieurs fois emprisonnée et menacée de mort : 'Toute personne oeuvrant pour les droits de l'homme en Iran doit vivre avec la peur de sa naissance à sa mort.'
Mère de deux filles, elle fonde une association de défense des enfants dont les droits sont inexistants. Elle se consacre aussi à la défense des femmes et est connue au Canada pour sa défense de Zahra Kazemi, journaliste canadienne tuée en Iran. En 2003, elle reçoit le prix Nobel de la Paix.
Pourquoi ce livre m'a-t-il intéressé?
1. Apprendre à vivre avec la peur et à ne plus avoir peur, voilà des constantes que l'on retrouve dans plusieurs biographies de ceux qui ont lutté pour la justice, dont celles de Gandhi et de Martin Luther King. Mais peut-on vraiment se débarrasser de la peur? Comment se débarrasser de la peur?
2. Pourquoi se battre pour la justice au péril de sa vie? Le besoin de justice serait-il codé dans les gênes de certains, ce qui ferait ce combat pour la justice inéluctable et un besoin fondamental, quels qu'en soient les risques et les coûts personnels?
3. Dans le livre La Force du Bien, Marek Halter essaie de comprendre pourquoi certaines personnes ont eu le courage de cacher chez eux des juifs durant la deuxième guerre mondiale et ce, au péril de leur vie. La réponse de ces gens interviewés : 'parce que je sentais que je le devais; c'était naturel et allait de soit; je n'ai rien fait d'extraordinaire'.
4. En même temps, Marek Halter essaie de comprendre pourquoi si peu de gens ont eu ce courage. Comment se fait-il qu'une si faible quantité de gens malveillants peuvent faire un si grand mal à un si grand nombre de gens? Pourquoi si peu de gens bienveillants peuvent faire du bien à si peu de gens?
5. Il semble donc y avoir une asymétrie entre la force du bien et celle le mal ...
13 commentaires:
Que de mots Annette!
Que des mots!
Que de maux surgissent du plus profond de soi lorsque la peur s'installe et se terre derrière nos craintes et nos angoisses!
La peur masquée porte un second masque diaphane qui recouvre un masque aux couleurs terrifiantes. Les poètes parlent souvent du masque porté par ceux et celles qui ont peur d'avoir peur. Que dire de la peur d'avoir peur de ceux qui glissent comme des ombres abruties dans les corridors des centres de soin de santé mentale avec un deuxième, un troisiéme ou quatrième masque!
Je connais une jolie demoiselle nommée Amélie.
Elle examine la vie avec le regard roux des renards argentés.
Elle sait causer sans mots dire avec Ganghi, Mandela et les amis les guerriers de la Paix.
Son regard unique parle prophétiquement des manières de vivre des humanoïdes qui s'amusent avec la peur comme si les phobies n'étaient que hochets pour chasser les trouilles qui salissent les culottes de protection.
Gilles,
Merci pour tes commentaires et la métaphore d'Amélie, qui pourrait aussi s'appeler Charles-Olivier. Y a-t-il asymétrie entre la force du bien et celle du mal?
Ce qui est étonnant, surtout, c'est le courage d'un petit nombre d'entre nous qui nous révélons capable de faire face à des situations tellement difficiles par volonté personnelle.
Et c'est la le point central: ce courage est-il inné ? Cette volonté est elle le fruit d'une donnée génétique, propre à l'individu, ou est elle au contraire le résultat d'un travail personnel ?
C'est peut être la le début d'une explication entre une assymétrie du bien et du mal. Se laisser aller aux forces du mal doit sans doute demander moins de courage que de combattre, dans un contexte difficile, et faire preuve de volonté pour aider autrui.
laurent
blog.laurent.eu.org
Bonjour Annette, je te rejoins dans ton questionnement. Marek Halter ne m'est pas inconnu non-plus. C'est un grand humaniste. Mon expérience du monde m'enseigne qu'en générale les gens sont bons mais pas très courageux pour le démontrer. Je crois que c'est écrit dans nos gènes comme l'est notre croyance en un être suprême. Ça relève de l'anthropologie. Je ne crois pas que l'on puisse mesurer pour savoir s'il y a asymétrie mais j'ai l'ultime conviction que le bien prédomine.
L'homme qui choisit quand même de faire le mal c'est qu'il n'a pas reçu sa part d'amour. Les exemples foisonnent. Quelqu'un a déjà dit "Aimez-vous les uns les autres".
Annette,
Quand tu te questionnes à savoir pourquoi certains se battent pour la justice, pourquoi d'autres pas, je serais porté à te répondre tout bêtement : c'est simplement parce que c'est comme ça... Pour ces personnes, la peur n'est que très subsidiaire, voire même absente, puisqu'elle ne fait pas le poids face à ou aux objectifs supérieurs recherchés.
Selon moi, oui, la volonté de justice est inné chez telle ou telle autre personne. Et comme tu le mentionne, c'est assez difficile d'en donner les raisons profondes, logiques. Chose certaine, cependant, ce sentiment de justice, d'égalité, une fois incarné par l'action, estompe toute crainte toute peur, même les plus apparentes, les plus justifiées, celles dont on est bien conscient puisqu’elles crèvent les yeux. L’objectif supérieur de justice n’entrave pas la capacité de l’individu d’évaluer objectivement ces « risques » subsidiaires aux actions tendant à faire régner la Justice, sauf que, sur la balance de la prise de décision, ils ne font plus le poids face à l’atteinte de l’objectif supérieur. Ces craintes et ces peurs ne pèsent pas lourd face à l’idéal de justice poursuivi. On ne se débarrasse donc pas de sa peur, en un clin d’œil, car elle demeure omniprésente, elle accompagne le féru de justice, mais elle n'est pas assez importante, signifiante pour le faire dévier de sa course vers la justice.
D’autre part, tu te demandes comment il se fait que si peu de gens soient en mesure de faire autant de torts. D’abord, je pense, contrairement à toi, qu’ils sont beaucoup plus nombreux à vouloir leur propre confort égoïste, au détriment du reste de la société. De plus, si tant de gens laissent agir à leur gré ces profiteurs de société, c’est, qu’en fait, ils les admirent et aimeraient bien avoir le courage d’agir comme eux ; C’est triste, mais c’est comme ça! On parle facilement contre l’argent quand on est pauvre. Mais, dès que l’on rencontre une personne possédant terres et argent, plus personne ou presque ne se demande comment ces biens ont été accumulés. Bien au contraire, cette personne pauvre se prosterne devant le riche et semble être prête à lui lécher les pieds, dans la mesure où ce riche daigne bien vouloir la regarder, lui porter un sourire...aussi dédaigneux et insignifiant soit-il !
Les « Socrate », « Jésus » et « Mandela » de ce monde ne courent pas les rues, encore moins dans le même marathon : Ils sont l’exception. Et n’en déplaise à tous ceux qui sont d’opinion contraire, je considère que le peuple, la masse, ne font que s’identifier au courant le plus marquant de leur époque, de leur quotidien, même : ils se fondent carrément dans la foule, ils ne s’en démarqueront jamais non plus. Prenons cet exemple : un même peuple, les Français, une même guerre, la Deuxième Guerre Mondiale, mais deux situations fort différentes.
Au début de la Deuxième Guerre Mondiale, le Maréchal Pétain, collaborant avec les Allemands pour le plus grand bien des Français et de la France, disait-il, avait fait des résistants des criminels de plein droit, reconnus comme tels par les lois légitimes françaises. Le peuple français, quant à lui, celui qui vaquait à ses occupations quotidiennes, n’était ni meilleur ni pire qu’avant 1939 : il était le même, il était ce qu’il était, comme il était, ni plus ni moins qu’avant le début de la guerre. Mais, il dénonçait les Résistants.
Plus tard, à la Libération de la France par de Gaulles et les Alliés, ces mêmes français admiraient les « criminels d’avant hier », les résistants et dénonçaient les « Collaborateurs » d’hier encore... Et cette « masse » de français n’était ni meilleure ni pire qu’avant la guerre : elle ne faisait que suivre le courant dominant d’alors.
Il n’y a donc que très peu de véritables « mauvaises personnes », comme il n’y en a peu de véritables« bonnes ». Mais, l’inertie de la masse nous laisse croire qu’à eux seuls, ce petit nombre de bonnes ou mauvaises personnes peuvent, à elles seules, changer la face du monde. Ce n’est pas tout à fait vrai. C’est notre complicité silencieuse, notre accord tacite, notre paresse tant physique qu’intellectuelle et morale qui leur donne libre cours pour imposer leurs idées, bonnes ou mauvaises.
André Tremblay
Note :
Les mots « masse », « peuple », « personne », » pauvre », « riche », bon mauvais, collaborateur, résistant ne sont employés que pour la compréhension de texte et nullement à des fins péjoratives.
A.T.
André,
Tes propos rejoignent ce que Marek Halter constatait dans son livre La force du bien : une minorité de gens avait le courage d'héberger des juifs, une autre minorité de gens était des collaborateurs (ou des 'méchants'), mais la majorité des gens, 'le peuple, la masse, ne font que s’identifier au courant le plus marquant de leur époque, de leur quotidien, même : ils se fondent carrément dans la foule, ils ne s’en démarqueront jamais non plus'. Un peu ma vision de la politique, malheureusement...
Annette,
Je viens de relire le commentaire que je viens de te laisser en fin d'après-midi. Ce qui m'agace, quand on rédige un comentaire,c'est l'espace limité et les caractères imposés pour nous permettre de composer un texte. Moi, en tout cas, ça m'indispose passablement, surtout quand je vois, comme c'est présentement le cas. qu'il manque un «s» ici et là, une ou deux virgules ailleurs, etc. Ce format ne facilite pas une relecture des lignes qu'on laisse sur les blogues. Il me semble que Google, avec tous les moyens qu'ils ont, pourrait améliorer cette section importante du blogue.
Bonne semaine,
André.
Bonjour Annette,
Moi aussi, quand je fais ma marche quotidienne, je passe toujours par chez toi. Et sache que c'est toujours avec grand plaisir que je le fais.
André.
Annette que penses-tu de ce petit vidéo d'un "grand penseur" de l'Arabie:
http://ckrock21.over-blog.com/0-archive-11-2006.html
Tu vas devoir fair un copié-coller pour le voir. C'est aussi une bonne adresse d'un bon blog Français.
Annette que penses-tu de ce petit vidéo d'un "grand penseur" de l'Arabie:
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Comment se débarasser de la peur ? La première question qui me vient à l'esprit est : mais pourquoi ?
La peur comme la douleur nous sont utiles. Elles nous indiquent un danger, potentiel ou réel. Elles nous offrent des chemins à explorer.
De quoi ai-je peur et pourquoi ? Je ne parle pas ici des phobies mais de peurs qui ont une assise bien réelle. De toutes les peurs que j'ai connues dans ma vie, la peur de mon père a été de loin la plus terrible. Rivé aux fenêtres de l'enfance, il n'y avait pas d'autres questions que : comment puis-je éviter de me faire battre et c'est pour quand la prochaine volée ?
Cette peur-là, il faut en convenir reposait sur une aberration. Mais la réponse était cruelle : je n'étais ni assez beau, ni assez fin, ni assez intelligent, bref je n'avais rien de ce qu'il fallait pour affronter le danger et éviter les coups.
Bien des peurs, mais pas toutes, reposent sur un manque d'estime de soi. Là encore, la peur est utile pour nous indiquer où est le problème, où il faut construire.
Je n'ai plus tellement peur d'avoir peur, je n'ai plus peur de l'ombre qui planait sur mon enfance.
J'ai grandi. Un peu. Et apprivoiser la peur a été une partie du chemin.
Le statut précaire
Neurone ectopique,
Merci pour ce long commentaire. Je suis d'accord avec plusieurs points. La peur a son utilité : indiquer un danger, nous indiquer où construire, identifier un manque d'estime de soi, etc. Mais vivre la peur n'est pas agréable; l'apprivoiser n'est souvent pas possible à court terme et trouver des solutions demande souvent un horizon à moyen terme. Durant ce temps, il faut composer avec la peur et la douleur qu'elle peut soulever...
"Qu'est-ce que je ferai si je n'avais pas peur?"
JoL...
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